Alors que la production nucléaire est toujours au plus mal, le groupe commence à percevoir les premiers signaux de ses efforts sur la qualité industrielle.
EDF vit sûrement l'une de ses pires années, avec une production nucléaire en chute libre, des finances largement dans le rouge et des dates de redémarrage de réacteurs qui glissent chaque jour un peu plus en avant… Mais en coulisses, le groupe met les bouchées doubles pour changer son logiciel industriel et remettre d'équerre l'ensemble des processus.
« Même si cela n'est pas visible du grand public, nous avons des résultats, le plan Excell délivre », fait valoir Alain Tranzer, le spécialiste de la qualité industrielle qui a rejoint le groupe il y a deux ans après avoir fait ses classes chez PSA aux côtés du très exigeant Carlos Tavares.
Alain Tranzer en veut pour preuve les progrès d'EDF sur le front de la gouvernance des grands projets et de la standardisation. Les taux de reprises sur les chantiers ont drastiquement chuté, passant de 200 % à Flamanville à 45 % sur le chantier britannique d'Hinkley Point (en octobre 2022).
Le nombre de références disponibles dans les catalogues utilisés pour finaliser les plans des EPR de deuxième génération - ceux qui doivent être construits en France - s'est aussi largement réduit. « On avait 13.309 robinets il y a deux ans et 571 aujourd'hui. On poursuit notre exercice de réduction de la diversité pour passer de l'artisanat à l'industrie. C'est un enjeu fondamental pour passer d'une pièce par an à une pièce par jour », explique Alain Tranzer.
Des délais et des prises de décisions trop longues
Pour rompre avec les malfaçons en série, le groupe a aussi mis sur les rails de nouvelles méthodes de travail avec ses fournisseurs. « On s'est doté d'un métier de 'supplier développement' comme le font Airbus, Safran ou Schneider Electric pour aider nos fournisseurs à revenir au meilleur niveau », indique Alain Tranzer.
Sur le terrain des délais à décider et à exécuter, EDF a toutefois encore des progrès à faire : « Il faut faire chaque semaine ce qu'on a dit qu'on ferait et nous n'avons pas encore rejoint les meilleurs standards, pointe Alain Tranzer. La majorité des fournisseurs nous disent que la relation avec EDF s'améliore avec toutefois trois points de vigilance. Les temps de décision sont encore trop longs, EDF pousse encore trop de risques vers les sous-traitants et que nous achetons encore trop au moindre prix. »
Or, construire et décider plus vite est crucial pour s'engager dans les prochaines étapes des chantiers de nouveaux EPR promis par Emmanuel Macron. « Une année de retard sur de tels projets, ce sont des surcoûts qui se comptent en milliards d'euros », concède Alain Tranzer.
D'ici à juin 2024, EDF veut engager les travaux préparatoires sur le site normand de Penly et projette de couler le premier béton nucléaire en 2027 pour achever la construction du premier réacteur entre 2035 et 2037. D'ici là, il faudra un feu vert formel du gouvernement et un vote favorable du Parlement à la fois sur la nouvelle feuille de route énergétique dessinée par Emmanuel Macron et sur le projet de loi d'accélération dans le nucléaire. « Ce projet de loi sécurise notre planning », indique Gabriel Oblin, le directeur du projet EPR2 chez EDF.
Source : Les Echos