Le gouvernement peine à trouver un patron pour EDF

Rédigé le 02/09/2022


Bercy privilégie désormais un seul PDG plutôt qu’un duo pour diriger l’entreprise publique.
La liste des refus s’allonge de jour en jour.

C’est la dernière ligne droite pour la succession du PDG d’EDF. Jeudi, Elisabeth Borne a déclaré que la nomination était "en cours de finalisation". Mardi, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, avait assuré qu’il lui ferait des propositions dans "les jours qui viennent". Selon nos informations, une réunion entre Bercy et Matignon a eu lieu mardi pour avancer sur le processus. Emmanuel Macron préside, ce vendredi matin, un conseil de défense dédié à l’énergie au cours duquel le dossier devrait avancer.

La succession de Jean-Bernard Levy chez EDF est difficile. Depuis deux mois, le gouvernement étudie plusieurs options pour trouver le futur patron de l’entreprise qui sera nationalisée d’ici la fin de l’année. Dans un premier temps, des dirigeants de grandes entreprises ont été approchés. Première cible: Henri Poupart-Lafarge. Le PDG d’Alstom a été "sollicité sur demande d’Emmanuel Macron"» nous assure une source. Un temps tenté par le poste, il a été freiné par son conseil d’administration. En pleine fusion avec Bombardier, il ne pouvait pas abandonner son poste. Qui plus est, le salaire de 450.000 euros par an n’a pas aidé à le convaincre d’autant qu'Alstom a fait un effort financier, nous explique une source proche du groupe.

 

Un dirigeant de Schneider ?

D’autres dirigeants ont aussi écarté les propositions de l’Etat comme Stéphane Michel qui pilote la branche gaz et énergie renouvelables chez TotalEnergies ou Benoit Ribadeau Dumas, ancien dirigeant de Zodiac et surtout ancien directeur de cabinet d’Edouard Philippe. Le nom de Luc Rémont, qui chapeaute les activités internationales de Schneider à l’international, circule ces derniers jours. Il a été conseiller à Bercy dans le gouvernement de Dominique de Villepin quand Bruno Le Maire était son directeur de cabinet. A l'époque, il avait planché sur l'introduction en Bourse d'EDF.

Le bas niveau de salaire a incité ces candidats externes à refuser le poste. Selon nos informations, le gouvernement serait prêt à y ajouter une rémunération variable pour doubler le salaire de 450.000 euros. Mais guère plus. "En pleine nationalisation et crise énergétique, il est difficile de de faire des excès" note un bon connaisseur du dossier.

Le ministre de l’Economie a, de plus, sa préférence pour nommer un seul PDG alors que Matignon semblait privilégier un duo. Ce débat "n’a pas encore été tranché" par l’Elysée, selon une source proche du dossier. Le choix d’une seule tête dirigeante écarterait plusieurs candidats déjà identifiés dans le cadre d’un binôme.

Le patron d’Orano favori de la filière nucléaire

D’abord le patron d’Orano, Philippe Knoche, dont le nom circule pourtant avec insistance chez EDF pour la direction générale. Il pilote le spécialiste du retraitement de l’uranium depuis 2016, après le démantèlement d’Areva. A l’époque, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, l’avait choisi pour mener cette restructuration. Philippe Knoche était aussi apprécié du directeur de cabinet Alexis Kohler, aujourd’hui puissant secrétaire général de l’Elysée. Autre atout de taille, ce polytechnicien est, selon nos informations, soutenu par le Corps des Mines. Plusieurs piliers de ce puissant réseau qui règne sur la filière nucléaire, sont allés soutenir sa candidature au ministère de l’Economie ces dernières semaines.

L’entourage du directeur général d’Orano précise toutefois qu’il "n’est pas candidat", craignant que la sortie de son nom l’élimine de la course. Philippe Knoche présente l’avantage d’avoir mené le découpage et le retrait de la cote d’Areva. "C’est exactement ce qui sera fait chez EDF, la nationalisation en premier puis la très probable séparation du nucléaire du reste du groupe" précise un de ses proches.

Les autres candidats, internes à EDF, sont Bruno Bensasson et Cédric Lewandowski. Le premier dirige les activités énergies renouvelables du groupe mais a aussi une connaissance du nucléaire. Lui aussi ingénieur du Corps des Mines, il a passé cinq ans à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Mais il ne fait pas l’unanimité chez EDF. De son côté, Cédric Lewandowski est un homme de réseau, apprécié chez EDF, mais peu à l’Elysée. Ancien directeur de cabinet de Jean-Yves Le Drian au ministère des Armées de 2012 à 2017, Emmanuel Macron avait refusé qu’il reste aux côtés du ministre lorsqu’il a rejoint le Quai d’Orsay. Au sein du groupe, le nom de Bernard Fontana circule aussi. Il dirige Framatome, la filiale d’EDF qui fabrique les équipements pour les centrales nucléaires. Mais les déboires de l’EPR de Flamanville, très liés à des défauts de fabrication de Framatome, ne plaident pas pour sa candidature.

Deux femmes pour la présidence

Pour la présidence, deux noms sont cités par plusieurs sources proches d’EDF et de l’Etat: Laurence Parisot et Marianne Laigneau. Deux profils très différents. Marianne Laigneau a le mérite de venir de l’interne puisqu’elle dirige l’entreprise de distribution d’électricité Enedis. Selon un cadre, elle est poussée par le puissant réseau interne "Gutmann", du nom d’un conseiller qui a officié chez EDF pendant plusieurs années. Ce que l'entourage de Marianne Laigneau dément formellement, soulignant qu'elle a justement mis fin aux missions de David Gutmann lorsqu'elle était DRH d'Enedis. Quoi qu'il en soit, elle a le mérite de provenir de l’interne au sein du groupe EDF.

De son côté, l’ancienne patronne du Medef dirige aujourd’hui Citigroup en France mais a été administratrice d’EDF entre 2015 et 2021. Elle avait déjà été candidate à la présidence d’EDF en 2014 après le départ du PDG Henri Proglio. En tant que banquière, elle a planché sur plusieurs scénarios de réorganisation d’EDF depuis deux ans. Et elle est proche du ministre de l’Economie Bruno Le Maire et dispose d’un profil plus "politique". Selon une source proche du dossier, elle aurait fait savoir chez Citigroup qu’elle ne prendrait pas le poste, ce qui renforcerait le tandem Knoche-Laigneau si la dissociation des fonctions de PDG était retenue.