Depuis les annonces du président de la République sur la relance de la construction de nouvelles centrales, l'ensemble de la filière nucléaire française est mobilisé dans l'attente du lancement effectif du programme. Pour le secteur, l'enjeu sera de pouvoir s'appuyer sur toutes les ressources humaines et les compétences nécessaires dans les régions concernées, pour mener à bien le programme EPR2 tout en assurant la maintenance du parc existant. Comment réussir ce pari ? Il faut d'abord balayer le scepticisme auquel le secteur est parfois confronté, en raison de la perte de ressources humaines subie ces dernières décennies, pendant lesquelles la filière ne présentait pas de perspective de développement.
Le manque de compétences est en effet un faux problème. La France n'avait pas davantage de compétences disponibles quand, dans les années 1970, les pouvoirs publics ont lancé le grand programme qui a permis de construire 58 centrales nucléaires en trente ans. A l'époque, c'est le volontarisme politique et industriel, alimenté par la conviction d'agir pour le bien des générations futures, qui a fait la différence. C'est cet état d'esprit que l'on doit cultiver aujourd'hui.
Il faut ensuite s'appuyer sur les atouts de la France, qui a la chance de disposer d'une culture technologique de très haut niveau, d'établissements de recherche et d'enseignement de grande qualité pour former les talents dont elle a besoin. Il est vrai qu'aujourd'hui, beaucoup de secteurs ont des difficultés à recruter, avec des candidats de plus en plus exigeants quant à la signification profonde de leur travail et à leurs perspectives de carrière. Mais la filière nucléaire, avec ses 220.000 salariés travaillant dans plus de 3.000 entreprises en France, a beaucoup d'atouts pour les convaincre.
Rejoindre le secteur nucléaire, c'est la possibilité de participer à un grand combat collectif contre le changement climatique, et de contribuer à renforcer la souveraineté énergétique de notre pays. Car le chemin vers l'indépendance énergétique exigera nécessairement le recours à l'atome.
C'est aussi se voir offrir une multitude d'opportunités, dans un secteur ouvert à la diversité des origines, des profils, et des formations - du CAP au diplôme d'ingénieur. C'est la possibilité de travailler sur tout le territoire français ou à l'étranger ; dans de grandes structures ou de petites entreprises ; dans des sociétés reconnues ou des start-up ambitieuses. C'est la perspective de participer à des projets innovants et de manier des technologies à la pointe de la modernité. Et c'est la fierté d'être l'acteur d'un grand projet industriel créateur d'emplois non délocalisables et susceptible de revitaliser économiquement nos territoires.
Beaucoup de jeunes sont réceptifs à ces arguments, attirés par l'idée de faire carrière dans un secteur d'avenir, engagé pour la transformation positive de la société. C'est la responsabilité des acteurs de la filière d'aller vers eux, de les convaincre et de contribuer à leur formation et à leur épanouissement professionnel. Dans cette optique, on ne peut que se réjouir de l'annonce du président de la République le 22 septembre d'un « immense plan de recrutement, de formation, d'entretien de compétences » dans le secteur du nucléaire.
Car c'est bien l'engagement de l'Etat dans la durée, et la visibilité apportée par des objectifs et un calendrier précis qui permettront au secteur de programmer les embauches et les investissements technologiques nécessaires à ce grand projet. Tous les professionnels et les entreprises de la filière se doivent aujourd'hui de participer à ce mouvement de relance et de mobilisation, aux côtés des pouvoirs publics et des acteurs académiques de notre pays. C'est un défi mais c'est aussi, et surtout, une chance pour chacun.
Source : Les Echos